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I – Un revirement jurisprudentiel

 

Jusqu’à présent, la position de la jurisprudence concernant la promesse d’embauche était claire : si les éléments essentiels du contrat étaient définis (notamment le poste et la rémunération), la promesse d’embauche valait embauche (Soc., 15 décembre 2010, n° 08-42.951, Bull. V, n° 296 ; Soc., 12 juin 2014, pourvoi n° 13-14.258, Bull. 2014, V, n° 138).

 

Cela était assez cohérent et s’alignait avec l’article 1589 du Code civil qui dispose que : « La promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix ».

 

Par deux arrêts du 21 septembre 2017 (Soc., n°16-20.104 et 26-20.103), la Chambre sociale de la Cour de cassation a considéré : « que l’évolution du droit des obligations, résultant de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, conduit à apprécier différemment, dans les relations de travail, la portée des offres et promesses de contrat de travail ».

 

La Chambre sociale a donc reproché à la Cour d’appel, qui s’était conformée à la jurisprudence établie, de ne pas avoir respecté l’article 1134 du Code civil en ne constatant pas « que l’acte du 22 mars 2012 offrait au joueur le droit d’opter pour la conclusion du contrat de travail dont les éléments essentiels étaient déterminés et pour la formation duquel ne manquait que son consentement ».

 

Il n’est pas certain que l’évolution du droit des obligations soit un élément sérieux de justification puisque le droit des contrats a toujours prévu que la contractualisation nécessitait impérativement l’accord des deux parties et l’article L. 1221-1 du code du travail dispose depuis bien longtemps que : « Le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun ».

 

La motivation de la chambre sociale n’est pas critiquable et applique incontestablement le droit.

 

Cependant, l’évolution du droit des obligations n’y est pour rien, comme si ce revirement n’était pas assumé par la Cour.

 

Il est vrai que cette position jurisprudentielle accorde un peu de latitude à l’employeur à laquelle nous n’étions pas habitués.

 

 

II – Pourquoi un tel revirement ?

 

On pourrait considérer qu’il ne s’agit pas réellement d’un revirement puisque que l’élément "consentement" est nouveau dans le raisonnement.

 

Cependant, il s’agit bien d’un revirement puisque, quelle que soit la situation, la Chambre sociale jugeait invariablement que la “promesse” d’embauche précisant l’emploi proposé et la date d’entrée en fonction valait contrat de travail (Soc., 15 décembre 2010, n° 08-42.951, Bull. V, n° 296 ; Soc., 12 juin 2014, pourvoi n° 13-14.258, Bull. 2014, V, n° 138).

 

Mais cette position, très protectrice du (futur) salarié, créait en pratique quelques tentatives d’abus : Elle a ainsi  dû juger qu’un salarié qui avait accepté neuf jours après le terme de la mission de travail temporaire la proposition d’embauche qui lui avait été faite avant le terme de celle-ci, n’avait pas immédiatement bénéficié d’un contrat de travail à l’expiration de sa mission et pouvait donc prétendre au paiement de l’indemnité de précarité (Soc., 5 octobre 2016, pourvoi n° 15-28.672, publié au Bulletin).

 

Il fallait que la Cour de cassation fasse évoluer sa jurisprudence pour une application plus strict du Droit.

 

 

III – Dans quel cas l’employeur peut-il revenir sur sa proposition d’embauche ?

 

Il existe maintenant une distinction entre offre de contrat de travail et promesse d’embauche.

 

Concernant la promesse d’embauche, le droit n’a pas changé : promesse d’embauche vaut embauche.

 

Concernant l’offre de contrat de travail, celle-ci peut être librement rétractée tant que le potentiel employé n’a pas donné son accord.

 

La distinction des deux notions est subtile car dans les deux cas, il s’agit d’un acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction.

 

Dans l’offre de contrat de travail (dont la proposition est rétractable), la proposition faite par écrit offre au destinataire le droit d'opter pour la conclusion du contrat de travail.

 

En pratique, pour bénéficier de l’option de rétracter son offre, il suffit à l’employeur de préciser dans la lettre d’embauche qu’il propose le poste si la personne en est d’accord.

 

Attention toutefois, rétracter une proposition d’emploi n’est pas complétement sans conséquences pour l’employeur : si la rétractation de l’offre fait obstacle à la conclusion du contrat de travail, elle peut néanmoins engager la responsabilité extra-contractuelle de son auteur. Le destinataire évincé de l’offre devra alors démontrer l’existence d’un préjudice spécial lié à ladite rétractation de l’offre.

 

 

Par A. JUILLARD

Juriste                 

 

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